Rien ne serait plus jamais comme avant… A New York, c’est fou le nombre de bêtises qu’on a dites avec beaucoup de conviction dans la foulée des attentats du 11 septembre. Je le sais, j’y étais, je les ai partagées. Petit retour sur ces grandes vérités du 12 septembre 2001.
• Désormais on aura les yeux sur la politique étrangère
On n’avait pas prêté assez attention à Ben Laden. Absorbés par l’affaire Lewinsky, on ne s’était pas intéressés d’assez près aux attaques ratées de Clinton contre les supposés camps Ben Laden. Désormais, l’opinion publique américaine aurait les yeux fixés sur sa politique étrangère. Que George W. Bush ait pu être réélu en 2004 malgré son engagement en Irak, que Barack Obama, quatre ans plus tard, ait choisi pour vice-président Joe Biden, un sénateur démocrate qui avait voté oui à la guerre en Irak et a mis à la tête de sa diplomatie Hillary Clinton, une des plus va-t-en-guerre de 2003, en dit long sur le poids de la politique étrangère dans les préoccupations des électeurs.
• “Party is over” : les médias ont accordé trop d’importance au futile ; dans le monde culturel, c’est “la fin de l’ironie”
Juste avant le 11-Septembre, les médias avaient essentiellement les yeux sur les attaques de requins en Floride (personal disclosure : cette semaine-là, je publiais dans ELLE un reportage sur les femmes qui vont chercher des maris en Alaska… du vrai hard news). Désormais, le futile n’aurait plus sa place. Fini la déconne. On s’intéresserait aux vrais sujets.
Les networks ont remis leurs sitcoms à l’antenne une semaine plus tard. Les chaînes d’info se sont dix ans plus tard toutes inspirées des formats jeux du cirque façon Fox News. Qui eut cru qu’on verrait ensuite des enquêtes sur les pompiers (les héros !) qui quittaient leurs femmes pour des veuves du 11-Septembre avec qui ils rebâtiraient des nouvelles vies en roulant dans l’or de leur assurance (je n’invente rien).
“Si une chose positive peut sortir de tout ça, ce sera la fin de l’ironie”, écrivait Time deux semaines après les attaques, reprenant une célèbre formule à l’époque du patron du magazine Vanity Fair. Newsweek l’a depuis placée dans son top 10 des prédictions foireuses du siècle (entre Bill Gates doutant de l’avenir de Google et la présence d’armes de destruction massive en Irak).
• Downtown Manhattan va devenir une ville fantôme
Qui voudra vivre dans un cimetière ? Plus personne ne voudra non plus venir travailler au sud de Manhattan. Les gratte-ciel ne trouveront plus de locataires. Wall Street va se délocaliser au mieux Midtown (le centre de Manhattan), au pire dans le New Jersey de l’autre côté de l’Hudson River…
En fait, American Express, dont le siège était situé en face du Word Trade Center, est toujours là. Et celui de Golman Sachs est maintenant de l’autre côté de la rue, relève le New York Times qui note encore que le trafic des piétons à Times Square (souvenez-vous, le tourisme devait aussi se casser la gueule) est plus important aujourd’hui qu’avant le 11-Septembre.
• Les Etats-Unis ne sont plus à l’abri du terrorisme
Préparons-nous désormais pour des attentats dans le métro et ailleurs. Ce n’était plus qu’une question de semaines avant que des types descendent dans le métro avec des ceintures d’explosifs. Très bientôt, les terroristes mettraient des armes chimiques (on appellerait ça de l’anthrax quelques semaines plus tard) dans les ventilations des immeubles et on tomberait comme des mouches. Et des cargos bourrés d’explosifs pèteraient dans les ports. En octobre 2001, un sondage Gallup montrait que 85% des Américains estimaient probable ou très probable qu’il y ait des attentats sur le sol américain “dans les prochaines semaines”. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas eu d’essais (le “shoebomber” !) mais il n’y a pas encore eu de déferlante d’attentats.
Rien ne serait plus comme avant à New York ? Si en fait, tout. Sauf qu’on se retrouverait en chaussettes à l’aéroport.
Guillemette Faure
